Déclaration du candidat PS à propos de Jacques Chirac
Le Parisien - 11/03/2002 - Jospin juge Chirac "fatigué" et "vieilli" - Par Dominique De MONTVALON et Bernard MAZIÈRES
LIONEL JOSPIN, 64 ans, fatigué par un très long aller et retour entre Paris et l'île de la Réunion, a-t-il « dérapé », comme le suggèrent les plus modérés des chiraquiens ? Ou bien, grisé par les sondages et désireux de creuser l'écart avec son rival, a-t-il sciemment voulu abîmer, rogner, casser l'image de Chirac, 69 ans ? Après les confidences nocturnes du Premier ministre candidat en plein vol dans la nuit de samedi à dimanche, entre la Réunion et Paris, le mystère reste entier. Et les avis, partagés. Pour les uns, Jospin, ayant quitté la « classe affaires » du vol Air-Lib pour venir s'entretenir, en sweat-shirt et sur un ton détendu, avec les journalistes installés, eux, en classe économique, en aurait fait beaucoup, et même trop. « Des tonnes », dit-on. Pour les autres, le candidat a simplement été conséquent : en présentant Chirac comme « fatigué, vieilli, victime de l'usure », en suggérant (sans terminer sa phrase) qu'il était « temps » qu'il parte, il a dit tout haut ce que son camp pense. Et ce qu'il aurait vécu depuis cinq ans. Il aurait là payé de sa personne pour débusquer, en quelque sorte, un homme qui s'abrite derrière son statut de président, et aimerait tant passer pour un « martyr ». Côté chiraquien, dès hier soir, la réplique a été violente : si Jacques Chirac lui-même, ajoutant in extremis trois phrases à l'interview qu'il accorde ce matin au « Figaro » (avant de se retrouver ce soir sur le plateau de France 2, puis demain à Marseille devant ses supporters) a juste déploré que « certains candidats » privilégient « l'agressivité sur la réflexion » et souhaité que le « sang-froid » s'impose à tous, ses proches ont été plus rudes. Le plus violent : le député RPR François Fillon, pour qui Jospin, « révélant sa vraie personnalité de trotskiste sectaire et haineux », s'est, dans l'aventure, « discrédité » dans la course à la présidence. La bataille de l'âge oppose entre eux deux sexagénaires Porte-parole officielle du candidat Chirac, Roselyne Bachelot, affectant d'en être étonnée et déçue, brocarde ce Jospin qui « perd le contrôle de lui-même ». Vieux et « usé », Chirac ? Pour beaucoup d'électeurs et la totalité des « petits candidats », cette querelle sur l'âge du capitaine confirme la médiocrité de la campagne présidentielle 2002. Où, à ce jour, il a été davantage question des « affaires » plutôt que des projets. Et voilà maintenant qu'on s'entre-tuerait entre sexagénaires ! Certes, les clivages idéologiques « archéo » n'ont plus lieu d'être, et c'est bien. Mais s'il s'agit de tomber dans une campagne caricaturalement « à l'américaine », où il faut prioritairement démolir l'adversaire, son âge, son look, ses relations, voire son passé, il y a forcément incompréhension. Et peut-être même découragement. S'il n'y avait que cela ? Ce qui est étrange, c'est que Jospin ait choisi d'adopter le ton de la polémique la plus grinçante au moment où les sondages le portent. Une posture déconcertante et, peu s'en faut, contre-productive. Car elle donne au candidat un profil ambigu : cela permet à un Chirac, qui n'en espérait pas tant, de se positionner aussitôt en « rassembleur ». Faudra-t-il finir par admettre que le duel Jospin-Chirac, c'est, pour l'essentiel, une affaire d'images ?
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