L'Europe
Les Echos. Le 26-27/04/2002
La Tribune - 07/03/2002 - Chirac fait de la défense le prochain grand chantier de l'Europe
Jacques Chirac propose un sommet des pays qui souhaitent davantage d'intégration en matière de défense. Il affirme sa fidélité au pacte de stabilité budgétaire et veut un président à l'UE.
LE CHEF de l'Etat a brossé, hier à Strasbourg, son programme européen. Affirmant d'emblée qu'il souhaite "une Europe forte qui pèse dans les affaires du monde", il a souhaité qu'un "groupe pionnier" de pays s'engage dans une intégration plus poussée en matière de défense selon la "méthode qui a réussi" pour l'euro. Car "l'Europe ne comptera dans le monde" que si "elle dispose de réelles capacités militaires". Elle "doit être capable de s'engager avec ses propres moyens sans être systématiquement tributaire de l'Otan". Bref, "le temps est à l'effort. Le temps est au développement d'une industrie de défense puissante et organisée". Et pour réussir ce projet, Jacques Chirac suggère de réunir un sommet "des pays européens qui entendent faire cet effort particulier en matière de défense". Et, évidemment, ces engagements "devront trouver leur traduction en termes de budget et de programmes", affirme-t-il sans toutefois préciser l'ampleur de l'effort. Le RPR, rappelons-le, propose d'augmenter de 30 % le budget de la Défense (lire "La Tribune" du 6 mars).
"Grands progrès." Jacques Chirac souligne volontiers que l'Union européenne a "déjà fait de grands progrès" en matière de défense, notamment depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo, où Lionel Jospin l'accompagnait. Il affirme que, face à la "puissance considérable des Etats-Unis d'Amérique", il est souhaitable que "s'établisse un dialogue véritable, plus équilibré, plus exigeant, entre Américains et Européens". Il avait cependant gardé le silence lorsque George Bush avait dénoncé "l'axe du mal", tandis qu'Hubert Védrine puis Lionel Jospin avaient vivement réagi. Le président de la République épingle le gouvernement en dénonçant "les restrictions imposées par le gouvernement au budget de la défense depuis cinq ans". Mais il avait ouvert la voie en 1995, annulant 7 milliards de francs (1,1 milliard d'euros) de crédits militaires.
Le candidat sortant se félicite du succès de l'euro. "Ce choix de la monnaie unique, je l'ai personnellement voulu et soutenu depuis le départ", indique-t-il. Pendant la campagne pour le référendum sur le traité de Maastricht, il s'était prononcé pour un oui "sans enthousiasme". Mais il assure aujourd'hui que la France "respectera le pacte de stabilité" budgétaire. Pour diminuer les impôts sans affecter l'assainissement des finances publiques, il suggère une "véritable harmonisation fiscale européenne", estimant que c'est "la meilleure façon de favoriser" ce mouvement de réduction des prélèvements.
"Défi" de l'élargissement. Enfin, sur le volet institutionnel de son projet, Jacques Chirac renouvelle sa proposition de "donner un président à l'Union européenne". Un président élu "pour une durée suffisante" par les chefs d'Etat et de gouvernement. La Commission, elle, serait "plus resserrée" pour accroître son efficacité, notamment après l'élargissement de l'Union qui est "un défi" à relever. La présidence du Conseil des ministres serait assurée, sous l'autorité du président de l'Union, soit par le secrétaire général du Conseil européen, soit par "des collèges d'Etats membres représentatifs de la diversité de l'Union et qui tourneraient avec chaque président de l'Union". Son argument est que "le système actuel des présidences tournantes qui reviennent tous les six mois à un pays différent ne sera pas viable dans une Europe élargie".
Le Figaro - 067/03/2002 - Lionel Jospin ou l'Europe frileuse - Par Pierre LEQUILLER
Jacques Chirac doit s'exprimer sur le sujet aujourd'hui à Strasbourg
Le futur président de la République et son gouvernement seront confrontés à trois enjeux majeurs concernant l'Europe: d'abord, l'élargissement pour faire la grande Europe, celle de la paix. Ensuite, la réforme des institutions pour une Europe plus démocratique, mieux comprise, plus porteuse de l'esprit des pères fondateurs. Enfin, la construction d'une vraie politique étrangère et de sécurité commune pour faire face à la nouvelle donne internationale née des attentats de New York.
Pour relever ces défis, il faut un président qui puisse, au nom de la France, donner les impulsions, prendre des initiatives fortes, convaincre ses partenaires. Or, malgré les efforts constants et soutenus de Jacques Chirac pour maintenir des liens privilégiés avec nos voisins et faire avancer l'Europe, Lionel Jospin, Européen timide, est aujourd'hui responsable du plus grand isolement que la France ait jamais connu.
Sur l'élargissement, le chef de l'État, aussitôt élu, réserva ses premiers déplacements à la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, pour dire généreusement à ces pays qui avaient tant souffert du communisme que la France serait leur premier avocat pour les accueillir dans l'Union. Jospin avait alors ouvertement critiqué la « précipitation » du président. Qui avait raison, sinon Chirac, puisque depuis Nice, la grande Europe est en marche ?
Le président de la République avait proposé de manière prémonitoire, dans son discours historique devant le Bundestag à Berlin en juin 2000, une constitution européenne et la nécessité d'un « groupe pionnier ». Que n'avait-on entendu alors de Lionel Jospin qui accusait les propos du président de « contradictoires et irréalistes » et d'Hubert Védrine qui les considérait « comme une discussion intellectuelle prématurée » !
Les faits confortent pourtant aujourd'hui Jacques Chirac: la Convention européenne, présidée par Valéry Giscard d'Estaing, a engagé ses travaux sur la Constitution et Nice permettra les coopérations renforcées, et donc le futur « groupe pionnier ».
Enfin, concernant la Pesc, c'est Jacques Chirac qui prit l'initiative, dès 1995, d'une force de réaction rapide, et lança l'Europe de la Défense avec Tony Blair à Saint-Malo en 1998. Or, le gouvernement, depuis 1997, tourne le dos à cet objectif en baissant sans cesse les crédits militaires d'investissement, croyant pouvoir profiter, selon la formule de Fabius, des « dividendes de la paix ». Là encore, la nouvelle donne depuis les attentats du 11 septembre, ne démontre-t-elle pas la justesse de vue de Jacques Chirac ?
La vérité est que la tiédeur européenne de Lionel Jospin est profonde: il avait d'ailleurs exprimé ses réserves lors de la dernière campagne présidentielle, et a attendu mai 2001 pour exprimer enfin, après tout le monde, devant l'Assemblée nationale, sa vision d'ailleurs peu ambitieuse et dogmatique de l'Europe.
Plus grave encore, ce sont les choix de politique intérieure dans le domaine économique et social, qui démontrent l'incompréhension de Lionel Jospin devant la réalité européenne. Quand on parle de plus en plus d'harmonisation, comment un Européen sincère aurait-il pu prendre des décisions aussi décalées que l'oukase des 35 heures (violemment critiquées par Blair ou Schröder eux-mêmes), les emplois-jeunes, la soi-disant loi de modernisation sociale, le renforcement des contraintes et réglementations sur les entreprises ?
Comment être crédible face à nos partenaires, quand notre gouvernement repousse les mesures structurelles nécessaires que tous nos voisins ont engagées: réforme des retraites, privatisations, réforme de l'État ?
Si la France est aujourd'hui isolée en Europe, si la presse allemande titre: « Adieu Paris, hello Londres », si le Foreign Office indique que « l'idée que l'Europe puisse être dirigée par la France et l'Allemagne est finie », on le doit à la politique intérieure de Jospin en rupture avec ses partenaires.
Ainsi, l'alliance Blair-Schröder qui dénonçait déjà, avant les dernières élections européennes « les recettes archaïques de la vieille gauche » s'est réactivée la semaine dernière. Dix jours auparavant, nous avions assisté à la formation inédite d'une alliance entre le Britannique Tony Blair, l'Italien Silvio Berlusconi et l'Espagnol José Maria Aznar pour lancer un appel visant à déréglementer les marchés européens du travail et de l'énergie.
Les homologues de M. Jospin préparent ensemble et de manière concertée le sommet européen de Barcelone des 15 et 16 mars. Ils n'ont visiblement pas jugé bon de convier le premier ministre français à leurs débats: sans doute savent-ils déjà, à l'aune de son bilan, qu'il n'a rien à proposer pour faire avancer l'Europe de demain si ce n'est un repli sur soi archaïque, incapable de préparer notre continent au défi de la mondialisation et de la modernité.
Comme M. Jospin a voulu nous cacher qu'il avait été trotskiste, comme il veut aujourd'hui dissimuler le caractère socialiste de son projet, il va tenter, élections obligent, de faire croire aux Français qu'avec lui l'Europe pourra avancer. Sa gestion passée, marquée par les mesures Aubry, menée avec les communistes qu'il est « fier d'avoir au gouvernement », atteste du contraire.
L'élection de Lionel Jospin, symbole de la vieille gauche, isolerait encore plus la France en Europe. Seules, la réélection de Jacques Chirac et la victoire de la droite aux législatives, cohérente avec le message européen du président de la République, rendraient à la France sa crédibilité et sa capacité d'initiative. Il en va de l'avenir de la France en Europe et de l'Europe grâce à la France.
* Député Démocratie Libérale des Yvelines; vice-président de l'Assemblée nationale; membre de l'équipe de campagne de Jacques Chirac; auteur de L'Europe se lève à l'Est.
Libération - 25/03/2002 - A quoi bon un autre traité de l'Elysée ? - par Joachim SCHILD
Pour relancer le moteur franco-allemand, nul besoin de créer un nouvel outil institutionnel; pensons plutôt l'avenir de l'Europe.
Joachim Schild est chercheur au sein du Groupe de recherche sur l'intégration européenne de la Stiftung Wissenschaft und Politik à Berlin.
Il fallait s'y attendre. A l'approche du 40e anniversaire du traité de l'Elysée, signé le 22 janvier 1963 entre la France et la République fédérale d'Allemagne (RFA), et dans une situation où le fameux moteur franco-allemand paraît quelque peu grippé, les campagnes électorales en France et en Allemagne ne pouvaient pas ne pas produire des propositions en faveur d'un nouveau traité entre les deux pays. En 1995, c'était au candidat Edouard Balladur de lancer cette idée, cette fois-ci c'est le tour de son rival de l'époque, Jacques Chirac, et aussi de Jean-Pierre Chevènement, qui l'a reprise à son compte. Dans son discours de candidat à Strasbourg consacré à l'Europe, le président de la République a plaidé pour «un nouveau pacte fondateur, qui prévoirait un saut qualitatif dans la coopération entre nos administrations, nos diplomaties et nos armées». Certes, depuis le traité de Maastricht, la coopération franco-allemande a perdu de sa force d'entraînement pour l'Union européenne dans son ensemble. Le sommet de Berlin en 1999 sur l'Agenda 2000 et celui de Nice en décembre 2000 ont même fait paraître au grand jour des divergences d'intérêt profondes. Les relations franco-allemandes se sont mises à faire partie du problème européen - au lieu d'en proposer la solution. Le diagnostic d'un certain essoufflement du moteur franco-allemand est largement partagé par les acteurs et les observateurs. Un «nouveau pacte fondateur» pourrait effectivement redynamiser ces relations si on pouvait répondre par l'affirmative aux trois questions suivantes: 1. Les tensions entre les deux pays de ces dernières années sont-elles l'expression de problèmes à caractère bilatéral ? 2. Le potentiel des institutions et des mécanismes de consultations bilatérales créés depuis le traité de l'Elysée est-il épuisé ? 3. Les relations franco-allemandes ont-elles besoin d'un renouveau symbolique ? La réponse à ces questions est invariablement: non ! La détérioration du climat dans les relations franco-allemandes s'explique par le changement de la donne internationale après la fin de la guerre froide, par le poids accru de la RFA en Europe, par des divergences d'intérêt par rapport à l'avenir de certaines politiques communautaires (politique agricole commune, politique régionale et la question liée de la contribution allemande au budget communautaire), par l'absence d'un projet européen unificateur à l'instar de la monnaie unique, et finalement par un changement de génération dans les deux pays. Autrement dit: les difficultés sont d'abord localisées au niveau européen et non pas au niveau strictement bilatéral, et c'est à ce niveau européen, que les réponses doivent être cherchées. Dans un contexte européen où les petits pays de l'Union expriment de plus en plus ouvertement leur inquiétude par rapport à un directoire des grands, un pacte franco-allemand solennellement renouvelé aurait par ailleurs toutes les chances de provoquer une levée de boucliers de tous les côtés. Qu'est-ce qui empêche les Français et les Allemands de se servir de leur réseau d'institutions et de consultations bilatérales - le réseau bilatéral le plus dense au monde ! - pour mieux se concerter ? Le Conseil franco-allemand de sécurité et de défense, le Conseil économique et financier, le Conseil franco-allemand de l'environnement et autres haut conseil culturel franco-allemand, à quoi servent-ils donc ? Le processus dit «de Blaesheim», inventé début 2001 après la crise bilatérale du sommet de Nice et qui prévoit un rythme accéléré de consultations sur des questions européennes au plus haut niveau des deux Etats, ne produit-il pas les résultats escomptés ? Et si tel était le cas, est-ce vraiment dû au cadre institutionnel insuffisant ? Oui, il serait grand temps d'évaluer d'une manière ouverte et critique le travail d'une multitude d'institutions franco-allemandes dont certaines pourraient s'avérer superflues, tandis que d'autres sont encore loin d'avoir épuisé leurs potentialités. Le traité franco-allemand de 1963, son caractère ouvert, les instruments et les institutions auxquels il a donné naissance et ceux qui l'ont suivi plus tard, mettent une véritable boîte à outils à la disposition des responsables des deux pays - ils n'ont qu'à s'en servir. Ne réagissons pas de nouveau par des réflexes typiquement franco-allemands pour sortir nos relations d'une mauvaise passe: encore une autre institution franco-allemande, encore un autre geste hautement symbolique. Ce type de réflexe était certainement indispensable pendant la phase de la réconciliation d'après-guerre. Aujourd'hui, il s'agit de promouvoir un échange libre de nos idées sur l'Europe sans camoufler les points qui nous séparent. Regardons ensemble de l'avant. Multiplions les débats sur l'avenir de l'Europe entre responsables politiques, députés, intellectuels et chercheurs des deux pays, un avenir qui se joue aujourd'hui au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe et non pas sur le plan bilatéral. Cet avenir ne se trouvera pas dans le rétroviseur reflétant une symbolique franco-allemande datant d'une autre époque qui se trouve de plus en plus souvent contredite par les faits et que les jeunes générations des deux pays comprennent de moins en moins...
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