Réaction de Jean-Marie Le Pen
Ina.fr - Journal France 2 - 05/05/2002 - Réaction de Jean-Marie Le Pen
Le Figaro - 06/05/2002 - Le Pen mise quand même sur les législatives - Par Olivier POGNON
Le président du Front national ne s'attendait pas vraiment à l'emporter hier, mais il espérait un score qui lui permette de faire entrer des députés à l'Assemblée
Jean-Marie Le Pen n'est pas parvenu à élargir son assise du premier tour. Avec 17,5 % des voix, le score du président du FN se situe en dessous des chiffres qu'il avait lui-même pronostiqués. Il est vrai qu'il avait sensiblement réduit ses ambitions à la fin de la semaine dernière. Il avait considéré, vendredi, que « 25 %, ce serait déjà extraordinaire », « quand l'ensemble des institutions, l'ensemble des corps politiques, culturels, associatifs, syndicaux, religieux sont contre vous ». Mais, un peu plus tôt, il avait considéré qu'en dessous de 30 %, « ce serait un échec personnel ».
Par rapport au premier tour, Jean-Marie Le Pen a gagné des voix, grâce sans doute à un bon report des électeurs de Bruno Mégret, mais, en pourcentage, il n'atteint même pas les 19,5 % qu'avait obtenus la « droite nationale » (Le Pen et Mégret confondus). La mobilisation s'est faite principalement à son détriment.
Les raisons pour lesquelles le président du FN n'a pas réussi à mordre vraiment sur l'électorat des candidats éliminés au premier tour sont sans doute nombreuses. Et d'abord, sûrement, la crainte des électeurs de mettre en cause les valeurs communes de la République, que Jean-Marie Le Pen était accusé de contester par l'ensemble de ses adversaires politiques.
Parmi les électeurs d'Arlette Laguiller qui pourtant n'avait pas donné de consignes de vote, parmi ceux d'Olivier Besancenot ou ceux de Jean-Pierre Chevènement, bien peu sans doute ont franchi le pas. La question s'était posée de savoir si les manifestations hostiles à Jean-Marie Le Pen organisées par des associations, syndicats et partis de gauche, ne risquaient pas de contrarier l'objectif qu'elles visaient. Il n'en a rien été et elles semblent surtout avoir eu pour effet d'entraîner dans le vote Chirac, fût-ce avec des gants et un pince-nez, jusqu'aux plus réticents des électeurs de gauche.
Le président du FN n'a pas non plus détourné du vote Chirac les électeurs de François Bayrou, d'Alain Madelin, de Corinne Lepage, de Christine Boutin. Il semble que Jean-Marie Le Pen n'a pas réussi à passer du statut de tribun protestataire à celui de présidentiable crédible. Il est probable que certains aspects de son programme: la sortie annoncée de l'Union européenne, de l'euro, la suppression de l'IRPP aient dissuadé beaucoup d'électeurs de droite réticents à voter Chirac de se reporter sur le candidat du FN.
Jean-Marie Le Pen n'avait sans doute pas vraiment cru l'emporter, malgré certaines déclarations conquérantes. Mais réduire au maximum l'écart qui le séparait de Jacques Chirac, oui. Et il avait tout fait pour cela. Il avait tendu la main aux électeurs souverainistes, à ceux de la gauche, aux madelinistes, aux centristes, aux gaullistes. Il s'était attaché à nourrir les réticences de tous ceux qui rechignaient à voter pour Jacques Chirac.
Aux électeurs de Jean-Pierre Chevènement, il avait fait valoir qu'il était plus souverainiste que Jacques Chirac. À ceux d'Arlette Laguiller, qu'il repoussait le libéralisme mondialiste. À ceux de Lionel Jospin, il avait expliqué que Jacques Chirac avait mis au point un « stratagème », un « formidable montage » pour que lui, Jean-Marie Le Pen, dépasse le candidat socialiste au premier tour.
Quant aux gaullistes déçus par Jacques Chirac, il avait espéré les convaincre de voter pour lui, non seulement par son attachement déclaré à l'Europe des patries mais aussi par de nouveaux signaux, annonçant son intention de consulter le peuple par référendum et reprenant à son compte tout récemment la conception gaulliste d'un président au-dessus des partis et en charge de l'essentiel.
Le score de Jean-Marie Le Pen ne lui interdit pourtant pas l'offensive antichiraquienne qu'il a l'intention de lancer aux élections législatives. « Le chiffre que nous ferons aura sa répercussion sur nos 577 candidatures aux législatives », a-t-il prévenu. Lui-même n'a pas l'intention d'être candidat, ainsi qu'il l'a indiqué hier.
En maintenant ses candidats partout où il le pourra, Jean-Marie Le Pen espère pouvoir interdire la majorité à Jacques Chirac. Et s'octroyer un certain nombre d'élus dans des scrutins triangulaires. Quelques députés qui, cette fois, mettraient une majorité relative chiraquienne dans l'obligation de composer ou de se paralyser. Le scénario rêvé pour Jean-Marie Le Pen. Son résultat d'hier, assez loin de celui qu'il escomptait, rendra peut-être cet objectif plus difficile à atteindre.
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